terminus j'descends tout l'monde

armand et son amours du sucre, sa mère n'en pouvait plus qu'il vienne pleurer parce qu'il ne savait pas manger des carambar, il se collait toujours les dents et n'arrivait pas à les décoller tout seul. mais tout ce qu'il pouvait faire, c'était attendre que le sucre fonde dans sa bouche. pendant ce temps, il ne pensait pas à son père absent, à tous les problèmes que rencontrait sa mère pour le nourrir en dépit de ses repas à elle. c'était bien le propre d'armand ça. s'attarder sur les petits problèmes pour mieux oublier les plus gros. il n'a jamais su pourquoi son père était parti, il n'a jamais su que sa mère sacrifier son alimentation pour la sienne. armand a toujours vécu dans un monde à part, où tout est rose et tout est beau.

dans sa banlieue, il y avait un groupe de garçons qui aimaient bien embêter les autres, ceux qui étaient plus faibles ou qui ne ressemblaient par à des petits durs de bas quartiers. armand   en avait un peu entendu parlé, mais sans les rencontrer, mais un jour, il se sentit suivi. lorsqu'il se tourna, c'était une belle bande aux faces pas très sympas. mais le plus grand, en voyant armand leur dit de s'en aller, comme quoi fallait pas le toucher lui. il a compris plus tard que son voisin de palier, c'étai le chef de ces gamins. mais gentil et naïf comme il était, armand prêter son vélo et ses magasines à ce gosse-là, alors v'voyez, il était dans les p'tits papiers.

sa mère a beaucoup économiser pour lui acheter un appareil photo. armand avait commencé avec les appareils photos jetables, mais quand il a découvert qu'il ne pourrait jamais développer ses photos, il avait fondu en larmes. à l'époque, sa maman, ça lui avait fendu le coeur alors elle s'était juré qu'un jour, elle lui en offrirait un vrai, d'appareil. et il a toujours aujourd'hui, le chérissant comme la prunelle de ses yeux. il en a fait des photos, mais celles qu'il garde le plus précieusement, ce sont celles de sa mère, fatiguée, qui le regarde tristement. elle lui manque, il sait qu'elle doit se sentir seule, il lui écrit très souvent. ses rares amis trouvent ça touchant, ou un peu bizarre. armand n'est pas ce genre de jeune homme couvé, qui ne peut plus se passer de sa présence maternelle, armand c'est juste quelqu'un qui aime. et sa mère fait partie des gens qu'il aime.

comme mireille. mireille, ah comme l'a aimée. blonde, les yeux clairs, le teint pâle et quelques tâches de rousseurs. un sourire à vous faire fondre. elle avait aussi ce rire cristallin, comme des perles tombant avec douceur d'un escalier. et puis, il était chanceux armand, parce que la belle blonde, elle l'aimait bien aussi. mais c'était son défaut au jeune garçon, il aimait trop. et beaucoup trop. et aussi trop tôt, peut être. mireille, tant qu'il l'aimait, il pouvait tout envisager. le mariage, les enfants, mais mireille, tout ça elle n'en voulait pas. elle voulait profiter de sa jeunesse pour découvrir d'autres horizons, ça l'aurait rendue triste de n'avoir connu qu'armand, sans sa vie. et armand ça l'a rendu triste qu'elle n'ait pas voulu ne connaître que lui.

en france, armand n'arrivait pas à percer dans sa passion, alors la seule idée qu'il fut d'aller à new-york. le rêve américain, comme on avait eu l'occasion de le voir, n'était pas qu'un simple rêve et pour certains, il se réalisait! pourquoi pas lui? il a mis de l'argent de côté pendant un temps avant de pouvoir s'en aller, pour un aller-simple dans la ville de tous les rêves. à son arrivée, il a très vite fait la connaissance de sa voisine de pallier, dans un appartement quelque part dans le bronx. et il en a peur. une petite jeune femme bavarde comme jamais qui lui raconte sa vie en parlant à toute blinde. armand n'ose toujours pas lui dire qu'il ne comprend rien. mais vitalité effrayante dont elle fait preuve en lui racontant toutes ces choses qu'il ne saisissait pas, ça l'empêche de lui avouer.

c'est là qu'il s'est lancé. des photos, des modèles, des moments de vie, plein de choses qui ressemblent à des témoignages, des empruntes de souvenirs. pourtant, toujours le même problèmes, on a beau lui répéter, armand ne sait pas ce qu'il ne va pas dans ses photos. pourquoi sont-elle comme ça? pourquoi il en émane une certaine amertume? peut être est-ce une façon pour lui d'exprimer ces regrets qu'il ne formule jamais, pour ne pas en souffrir.