petits secrets entre voisins ( wanda )

Ce lundi 16 novembre 1959 était encore une autre journée idéale pour la chasse au faisan dans les hautes pleines à blé de l'ouest du Kansas, un jour où le ciel était magnifiquement clair, aussi éclatant que du mica.

Paul avait passé tout ce samedi matin dans sa petite chambre noire, à développer des photos prise pendant la semaine qu'il devait rendre à son agence demain matin à la première heure. Le changement de luminosité fut presque fatal, tellement le soleil était haut ce midi. Il avait hésité à sortir faire un petit tour, mais il ne voulait pas laissé son chat Michelangelo tout seul, ou plutôt, il voulait passer du temps avec lui. Allongé sur son lit, le chat sur le ventre, un livre à la main, le dernier de Truman Capote: "Ce lundi 16 novembre 1959 était encore une autre journée idéale pour la chasse au faisan dans les hautes pleines à blé de l'ouest du Kansas, un jour où le ciel était magnifiquement clair, aussi éclatant que du mica." contait-il à son chat lorsque l'on toqua à sa porte.

- Oh, mais qui ça peut bien être, Mickey ? se demanda-t-il en s'adressant au chat qui ne voulait pas bouger de son emplacement confortable pour laisser son propriétaire aller ouvrir la porte.

Paul s'imaginait bien que ce devait être Wanda, cette jeune et talentueuse écrivaine qu'il appelait désormais son amie. Elle n'habitait bien loin d'ici et se donnaient souvent des visites imprévues l'un chez l'autre, si bien qu'elles ne devenaient plus imprévues, mais prévisibles.

elle sort du taxi et claque la porte. elle claque les portes wanda et impose le silence. elle ne crie pas wanda, elle hausse rarement la voix. le chauffeur râle et elle lève vulgairement la main gauche qu’elle secoue comme pour dire ‘oui, oui, c’est ça’- avec un certain dédain. sans s’arrêter, sans se retourner. elle pénètre dans le hall de l’immeuble, le sien. des portes qui claquent à nouveau. son sac en cuir au poignet. elle ne s’arrête pas à son étage mais un peu plus haut. elle tape à une porte qui ne tarde pas à s’ouvrir. ‘je sors de mon entrevue avec winston et sais-tu ce qu’il m'a dit ?’ lâche-t-elle en s’engouffrant dans l’appartement comme un vent chaud qui vous surprend et vous étouffe sans que vous ayez le temps de comprendre comment. elle a le ton posé mais agacé, lunettes de soleil sur le nez. elle est vêtue d’un pantalon à carreaux et d’une chemise blanche. à son cou, un carré hermès noué avec délicatesse. ‘wanda, c’est bien mignon tes babillages dans le new york times mais il serait temps de se mettre à écrire quelque chose qui fasse plus d’une page.’ elle se dirige vers la cuisine, comme un parcours bien rôdé, comme des habitudes bien ancrées. elle ouvre le placard de gauche qu’elle referme très vite. 'mes BA-BI-LLAGES, comment ose-t-il ?’   wanda se retourne et se stoppe comme une poupée inanimée, comme la fin d’un disque un peu rouillé.

puis
le
silence

elle reprend vie et se retourne vers le frigo qu’elle ouvre avec un dynamisme notable. ‘il FAUDRAIT que je SONGE à écrire plus d’une page…’ elle attrape une bouteille de vodka entamée et claque la porte du frigo. ‘…pourquoi t’obstines-tu à mettre ta vodka au frais ? ...’ wanda ne comprend pas que l’on puisse mettre de la vodka au frigo, non elle ne voyait aucune raison valable. elle lui avait déjà fait la remarque à plusieurs reprises et ils avaient eu de longues discussions sur le sujet jusqu’à ce que wanda abdique en se disant que de toutes les manières, il pouvait bien faire ce qui lui chantait et wanda qui reprend le fil de son monologue comme si de rien n’était ‘… tu aurais dû le voir avec son petit air condescendant…’ elle attrape un verre qu’elle remplit avec une certaine mesure de vodka. ‘… tu sais quoi paul, je vais te dire une chose, je le déteste.’ elle lève son verre et le boit d’une traite avant de le reposer sur le comptoir de la cuisine. celui qui fait boire wanda bates un samedi après-midi n’est d’autre que winston bigelow, son agent. il accompagne wanda depuis la première heure, depuis sept ans en somme. paul avait déjà fait la rencontre de winston à plusieurs reprises, en fait la première fois qu’elle avait fait la rencontre de paul, wanda était accompagnée de winston qui agissait comme un garde-fou et empêchait quiconque d’approcher sa protégée. la première fois qu’elle avait fait la rencontre de paul, wanda avait dix-neuf ans et venait de remporter le prix pultizer. ‘vodka ?’ lui demande-t-elle.

Ce lundi 16 novembre 1959 était encore une autre journée idéale pour la chasse au faisan dans les hautes pleines à blé de l'ouest du Kansas, un jour où le ciel était magnifiquement clair, aussi éclatant que du mica.

Le chat saute lorsque Paul se lève pour aller ouvrir à Wanda. Celle-ci rentre en trombe, visiblement irrité. Il referme derrière elle. Paul avait saisi dès la première entrevue que la jeune femme était de ces personnes guidées par leurs vives émotions. Il sourit à la voir comme ça, peut-être ne devrait-il pas, elle semblait bien remontée contre son agent, mais la tendresse qu'il éprouvait pour ce petit bout de femme l'emportait toujours. Il était content qu'elle soit directement venu le voir, à en juger par ses lunettes de soleil encore sur ses yeux et son sac à main. Son regard la suit tandis qu'elle se dirige presque automatiquement dans sa cuisine, où elle sait qu'elle trouvera ce qu'elle cherche, puis lentement il se met aussi en route vers sa cuisine américaine. Tandis qu'il l'écoute et l'observe chercher la boisson accoudé au bar, il répond.

- Je te l'ai déjà expliqué, je  la préfère froide, comme en Russie, dit-il doucement avec un sourire en coin en parlant de la vodka.

Mais son explication ne comptait même plus à ce stade. Elle lui redemanderait la même chose la prochaine fois, et il lui répondrait à l'identique. De toute manière, il doutait que la réponse l'intéressât réellement, puisqu'elle prenait déjà son récit en se servant de la vodka bien fraîche.

Paul a toujours été une oreille attentive, et jamais un parleur empressé, ce qui lui donnait la réputation d'être un bon confident pour ceux qui en avait besoin, les gens de coeur, comme Wanda.

- S'il te plaît, lui répondit-il lorsqu'elle lui proposa un verre. Je t'accompagne. Il a abandonné à refuser un verre d'alcool depuis longtemps maintenant. Alors qu'elle lui servait un verre, il continue : Je ne pense pas que beaucoup de personne porte Winston dans leur coeur, de toute évidence...

Pour en avoir vu passer des agent, et même côtoyer, il sait comment certains d'entre eux ne peuvent être guidés que par interêt, par argent, et se croient tout permis car c'est grâce à eux que leur protégé a du succès, que le business prospère. Wanda se plaint souvent du sien, qui n'a jamais eu l'air très aimable ni lorsqu'il avait eu l'honneur de faire sa connaissance ni dans les histoires que lui racontait son amie.