mr. brightside ( paul )

Dans l'église, elle résonne la palabre et les dévots se lèvent. Paul reste assis, les mains jointes, le regard levé vers le Christ au-dessus de sa tête, qui lui accorde son éternel regard miséricordieux. Les larmes commencent à lui venir. Que fait-il ici ? A-t-il le droit de poser ses yeux de pêcheur sur le fils de Dieu ? A-t-il le droit de revendiquer le nom du Christ comme raison à toutes ses actions ? Après tout, tout comme Dieu, Paul aime les hommes. Sa place à ses côtés reste légitime.
La main de son Père sur son épaule le prie de suivre le reste de sa famille et de l'auditoire hors de l'église. Paul sèche rapidement les larmes qui étaient sur le points de couler de ses yeux, se reprend. Il ne veut pas être chassé de la maison de Dieu.
- J'aime le Christ, murmure-t-il à son Père.
- Et le Christ t'aime aussi, mon fils, lui répond-il. Il t'aimera toujours.
Paul sourit. Le voilà rassuré.

Il avait vingt-huit ans et il n'était toujours pas marié. Ses parents commençaient à s'inquiéter. Il avait une petite amie, leur disait-il. Trois ans qu'ils sont ensemble. Etait-elle une bonne chrétienne ? Oui, maman, une très bonne chrétienne. De cette façon, ils voulaient s'assurer que leur fils n'avait pas céder à la tentation des relations sexuelles pré-maritales. Si c'était une fille respectable, leur fils était toujours vierge (il ne l'était pas). Ce qui leur posait problème.
Depuis Montréal, à travers des lettres, cartes postales et appels téléphoniques, ils ne cessaient d'insister pour qu'il se marie, qu'ils puissent enfin rencontrer cette jeune femme, qu'il puisse rapidement leur donner des petits enfants avant qu'il ne devienne trop vieux.
Seulement, cette petite amie n'était que pure invention (c'était un homme). Ses parents menaçaient de venir eux-même à New York pour la rencontrer. Peut-être se doutaient-ils de quelque chose, peut-être ne de doutaient-ils de rien. (Ses nombreuses amies filles durant sa scolarité, ses gestes maniérés, son goût pour le délicat, le féminin mais non pas pour les filles, ses érections quand il ne fallait pas, les railleries des ses camarades jusqu'à ce qu'il apprennent à se forger un masque.)
Il lui fallait une solution.
Quelques mois plus tôt, une des ses plus proches amies se retrouvait sans domicile après que sa conjointe l'ait jetée dehors. Paul l'invita chez lui jusqu'à ce qu'elle se sente prête à retourner vivre seule. Elle lui avait alors proposé, s'il le voulait, un mariage blanc entre eux pour, entre autres, rassurer leurs familles respectives. C'était sa solution.

Difficilement, Paul entrouvre les yeux. Les faisceaux lumineux du soleil du petit matin lui transperce les paupières et lui brûle la rétine. Il jette un coup d'œil à sa droite où repose une silhouette masculine. Il sourit. Le visage de son amant est tranquille, les yeux fermés, les cheveux ébouriffés. Du bout des doigts, il lui caresse la joue.
Il se lève et se dirige vers la cuisine pour se faire un café. Par la fenêtre, il observe les New Yorkais matinaux qui s'activent pour aller à la messe en ce dimanche du mois d'avril. Lui n'y va plus depuis longtemps. Il porte sa main autour de son cou. La Croix du Seigneur ne l'a pourtant jamais quitté. Il croit en Dieu puisque Dieu croit en lui. Malgré tout ce qu'il aurait pu subir par le passé, il a réussi. Dieu est bon avec lui.
Parfois, il culpabilise de lui avoir menti, de s'être uni devant lui à une femme, sans même avoir l'intention de vivre avec elle, de l'aimer et de s'unir avec elle comme il le fais avec l'homme endormi dans son lit.
Il sait, cependant, que Dieu le pardonne. Si cela ne tenait qu'à lui, Il l'aurait uni avec celui qu'il aime. Mais sur Terre, ce sont les Hommes qui dirigent, malgré ce qu'ils peuvent déclarer. Ce sont eux qui décident de réprimer les homosexuels de toutes les façons possibles. Paul en est témoin, il voit, parfois entend, les raids qui sont fait dans les bars de son quartier pour arrêter les homosexuels.
Il aimerait être engagé, lutter auprès de la Mattachine Society, lire en public les poèmes de Ginsberg, réciter aux descentes avec ses camarades. Mais pour le bien de sa réputation, de son travail, de sa vie, lui se fait très discret. Il se cache du mieux qu'il peut. Son mariage est déjà une très bonne couverture, mais ses actes et ses regards peuvent toujours le trahir.
Il fait du mieux qu'il peut.