dreams. (mae)

tu as passé plus de deux heures avec la coiffeuse, une heure de plus avec la maquilleuse, moins d'une demie-heure avec la costumière. aujourd'hui vous tournez la scène culte de la nouvelle telenovela, le moment tant entendu de la révélation catastrophique suivie de près par celle du baiser passionné. t'as le rôle principal, ton visage sera bientôt placardé en première page de certain magasine, plus que quelques semaines avant que le premier épisode ne soit lancé.
et c'est sur un banc de central park que la dite scène se passe. en fasse de toi l'actrice principale, Lara, ta partenaire depuis quelques mois déjà. elle connait son texte sur le out des doigts, et toi c'est l'improvisation qui te caractérise. tout se fait dans votre langue maternelle, pour plus de véracité, car c'est bien au Méxique que vous aurez le plus de succés. c'est la cinquième fois que vous reprennez. la cinquième fois que l'on te replace. tourne toi légèrement. plus vers là. plus de passion. moins de tristesse. cinq fois, bientôt six. et la sixième semble la bonne. vos lèvres se touchent et le baiser est appuyé, véritable, bien pensé. c'est dans la boîte ! qu'hurle enfin le réalisateur, et tu relâches Lara. tu te lèves enfin, retire la veste en jean que l'on t'a forcé à enfiler pour la poser dans les bras du premier larbin venu. ne restez pas loin, il y aura peut-être quelques arrangements à faire. tu n'écoutes plus, Lara t'as déjà rejoint, vraie pipelettes.
autour de vous le monde semble comme sur pause, une partie du parc est coupé aux visiteurs, seulement sont autorisés quelques agents, et personnalité ayant des pass-droit. tu zieutes, répondant une fois sur deux aux paroles de la femme. et tu restes bloqué quand tu l'aperçois seulement à quelques mètres. toujours aussi élégante, le sourire enjoleur. qu'est-ce qu'elle fait là ? quien ? se questionne ta collégue et t'as un mouvement de tête vers mae. tu grimaces légèrement, mais tu finis par t'approcher. le sourire qui se dessine lentement sur ton visage est des plus gêné. vous n'avez pas eu l'occasion de vous revoir, depuis votre nuit. du moins, pas comme tu l'aurais souhaité. je ne savais pas que tu avais tes entrées pour ce genre d'événements. je ne savais pas, que ça t’intéressais. t'arques un sourcil. je suppose que tu es venue accompagnée ?

répéter, refaire, recommencer à nouveau, à s'en péter la mâchoire s'il le faut. baiser final, baiser monumental qui demande de la passion, de la justesse, un poil de pudeur pour un surplus de fièvre émotionnelle - sourire aux lèvres elle regarde avec nonchalance les matériaux se cumuler, les ordres sauter dans le vent comme des feuilles mortes. inspiration profonde, raide comme un piquet, elle se fait un poil jauger mae, mais tout juste. puisque cette fois-ci plus discrète, moins clinquante qu'à son habitude, elle veut prendre son temps, elle veut tout analyser, tout comprendre, elle qui loin des plateaux de cinéma ne saurait y mettre un pied. dieu qu'elle aimerait essayer pourtant, faire la une dans un drame romantique, ou pourquoi pas dans une série horrifique qui glorifiera son nom pour avoir poussé le cri le plus terrifiant jamais fait. elle sourit à cette idée - s'imagine presque répondre à des questions, se faire plus présente encore, sangsue de new-york qui dévore la ville à pleine bouche. césar juste ici, dans son milieu de prédilection s'adonne à ce qu'il sait faire de mieux - à la fois mentir tout en donnant une part de lui-même à chaque fois, il offre de son âme petit à petit, morceau par morceau sur les scènes répétitives, non ennuyeuses pour autant, elles ont la capacité de cristalliser, d'avaler à chaque fois les acteurs et actrices, leur laissant au fond de la gorge comme un sentiment de vol, vol d'eux, vol de ce qu'ils ont vécu. elle sourit distraitement, toujours en coin de lippes - sans trop en dévoiler, alors que les yeux se croisent une fois toute la mascarade terminée. mae y revient, mae y tourne autour, mae alors qu'elle a eu ce qu'elle voulait, s'acoquine cependant à s'accrocher un peu - plus qu'à la peau. sourcils qui se haussent, elle souffle un léger rire.
- je suis seule, et tu sais, les relations aident beaucoup pour passer les mailles du filet. elle inspire profondément, se love un peu plus dans sa veste légère - puisque sans faire froid en ce jour, un léger vent vient la déranger, lui rappelant qu'une robe n'est pas toujours le moyen adéquat pour survivre aux intempéries aussi minimes soient-ils. je voulais simplement voir comment le grand césar se comporte sur le plateau. impressionnant je dois l'avouer. sans hypocrisie aucune, elle s'inclinerait presque mae devant la capacité à se plier aux volontés - à mimer des sentiments qui ne sont forcément siens, à faire naître dans son regard une flamme désireuse de tout boucler par un entrelacement de lèvres.
- devoir sans cesse courber l'échine sous les demandes du réalisateur... ne deviens-tu pas fou par moment ? puisque mae ne s'écoute qu'elle-même, puisqu'elle ne répond à aucun ordre - seulement aux critiques. puisqu'elle n'est pas que le jouet d'un besoin artistique - elle est aussi le joueur.

c'est comme si elle te prenait au dépourvu.
se trouver, ici, dans ce monde qui t'appartient. c'est comme si elle grignotait un autre petit bout de ta vie. tu n'en as pas l'habitude. alors t'es surement un peu maladroit, un peu coincé, un peu trop froid. t'as des questions qui sont mal venues, remplies de sous-entendu, puisque t'es déjà en train de zyeuter autour d'elle, à la recherche de l'homme qui l'accompagnerait. mais elle est seule. c'est ce qu'elle affirme. tu la regardes attentivement, de haut en bas, elle détonne moins aujourd'hui. elle passe un peu plus inaperçue, au milieu de cette foule. elle te flatte, tu secoues la tête de gauche à droite.
ne me dit pas que c'est pour mes talents que tu es venue jusqu'ici. je n'y crois pas.
tu refuses d'y croire. qu'elle puisse apporter de l'intérêt, elle, qui est à ton image, quelqu'un qui ne se lie pas. des bons moments, tout simplement. des échappées belles, quelques heures vos réalités se confondent avant que la bulle n'explose. et elle a explosé, au même moment que s'est fermée derrière elle ta porte d'entrée. tu souris doucement à sa question, fou, tu l'es sans aucun doute comme beaucoup d'entre vous, les acteurs. enfermé dans un rôle si longtemps que vous ne savez plus être vous même. c'est pour cette raison que tu as changé ton nom, effaçant chàvez pour devenir st clair créant de toutes pièces le nouveau césar. le secret est intact.
il faut savoir faire la part des choses, ce n'est pas évident tout les jours ... mais ce n'est pas à toi que je vais apprendre les contraintes du métier d'acteur.
tu souris en coin, t'as les mots venimeux. tu attaques comme un animal se sentant en difficulté.

elle s'intéresse mae, elle papillonne d'ici, de là, jamais ne prend une place définitive et ne saurait en faire autrement. elle disparaît comme bon lui semble - et apparaît dans la même idée. c'est ainsi que sur le lieu de tournage elle admire, elle se met à détailler tout ce qui fait faux, tout ce qui fait vrai - et tout est réel autour, sauf les performances des deux acteurs, qui sur le terrain ne racontent qu'une parcelle d'existence fantasmée. elle inspire profondément - elle est tout comme eux, mae, elle n'est qu'une peau au-dessus d'une autre, qu'une infamie au-dessus d'une normalité imposée. elle baisse un peu les yeux, les mains derrière son dos qui se joignent, un peu enfantine sur les bords alors qu'elle écoute, gardant dans le coin de ses lèvres un semblant de sourire.
- par curiosité, je suis capable de beaucoup de choses. phrase à sens pluriel, elle inspire profondément, suit son instinct comme un animal à l'affût qui, les oreilles levés, choisit sois la fuite, soit le combat tout entier. mae qui va au bout, qui ne saurait faire les choses à moitié, et qui parfois se retrouve à terre ou au contraire en plein air. elle ne sait jamais, mais elle ose, elle ose jusqu'à l'osmose, elle ose jusqu'à la folie douce. plantée sur ses talons, elle semble statique. les contraintes sont en effet diverses, mais c'est ce qu'il faut, non ? pour donner vie au personnage.
jamais elle ne dira le vrai prénom, jamais elle ne le prononcera, jamais elle ne mettra en avant celui qui dans l'ombre restera, puisqu'à la lumière il n'y a qu'elle.
- en tout cas, je vois que les critiques dans les journaux ne sont pas fausses. tu es bon dans ton domaine, je serais presque tentée de voir ton visage à l'écran. plus tangible, plus rien qui ne se touche, plus rien qui ne se sent au creux de la bouche. elle gonfle son thorax, elle tourne un peu la tête - s'attarde sur les immeubles fades de new-york. je suis contente de te revoir, et de voir que tu te portes bien.
pas de stigmates de la nuit passée, pas de regrets qui se lisent sous les paupières, rien qui ne saurait la braquer - ou la faire rire de dédain. mae, l'imbuvable.